Comparer l'imagerie du gaz refroidie et non refroidie
Avantages de chaque technologie pour des applications spécifiques de l'ensemble de l'industrie
Par Craig O'Neill et Ron Lucier
Depuis plus d'une décennie, FLIR Systems fabrique des caméras infrarouges pour visualiser toutes sortes de fuites de gaz. Ces caméras d'imagerie optique du gaz (OGI) sont développées pour « visualiser » divers gaz dont des hydrocarbures, du dioxyde de carbone, de l'hexafluorure de soufre, des réfrigérants, du monoxyde de carbone, de l'ammoniaque et bien plus encore. Ces imageurs sont mis au service de nombreuses applications dans différents secteurs d'activité, notamment pour le contrôle des émissions, l'augmentation de l'efficacité de la production et la sécurité des environnements de travail. L'un des grands avantages des caméras OGI, par rapport aux autres technologies d'inspection, est la rapidité avec laquelle leur technologie peut localiser les fuites de composants sans interruption du processus industriel.
À l'origine, les caméras OGI ont été conçues avec des détecteurs IR refroidis qui offrent plusieurs avantages par rapport aux détecteurs non refroidis. Néanmoins, leur coût est souvent plus élevé. Les avancées technologiques apportées aux détecteurs non refroidis ont permis aux fabricants de caméras OGI comme FLIR de concevoir et de développer des solutions OGI plus abordables pour ces secteurs. Bien que leur prix soit inférieur, il faut savoir que les caméras dotées de détecteurs non refroidis présentent certaines limitations par rapport à celles dotées de détecteurs refroidis.
Les fondements scientifiques de l'imagerie optique du gaz
Avant d'aborder la question du choix entre détecteur refroidi et non refroidi dans une caméra OGI, expliquons brièvement les aspects théoriques de cette technologie. Grâce à l'imagerie optique des gaz, lorsque l'opérateur regarde dans la caméra, il voit des panaches de gaz ressemblant à de la fumée. Sans une caméra OGI, la présence de gaz serait totalement invisible à l'œil nu. Pour rendre visibles ces panaches de gaz, la caméra OGI utilise une méthode unique de filtrage spectral (selon différentes longueurs d'onde) qui lui permet de détecter un composé gazeux. Dans un détecteur refroidi, le filtre limite les longueurs d'onde de rayonnement autorisées à atteindre le détecteur à une bande très étroite appelée passe-bande. Cette technique est appelée adaptation spectrale (voir Figure 1).
Figure 1
Une caméra OGI exploite la nature « absorbante » de certaines molécules pour les visualiser dans leur environnement natif. Les matrices à plan focal (MPF) et les systèmes optiques des caméras sont spécialement ajustés sur des plages spectrales très étroites, souvent de l'ordre de quelques centaines de nanomètres, et sont donc ultra sélectifs. Seuls les gaz absorbants dans la région infrarouge qui est délimitée par un filtre passe-bande étroit peuvent être détectés. Pour la majorité des composés gazeux, les caractéristiques d'absorption infrarouge dépendent de la longueur d'onde. Les gaz nobles tels que l'hydrogène, l'oxygène et l'azote ne sont pas directement visibles.
Les régions jaunes de la figure 2 représentent un filtre spectral conçu pour correspondre à la plage de longueurs d'onde dans laquelle l'essentiel de l'énergie infrarouge de l'arrière-plan serait absorbé par le méthane.
Figure 2
Si la caméra observe une scène sans fuite de gaz, les objets du champ de vision émettent et réfléchissent des rayonnements infrarouges vers l'objectif et le filtre de la caméra. Si un nuage de gaz est présent entre les objets et la caméra, et que ce gaz absorbe le rayonnement dans la plage passe-bande du filtre, la quantité de rayonnement traversant le nuage et atteignant le détecteur sera réduite. Pour voir le nuage se détacher sur le fond, il faut qu'il y ait un contraste radiant entre le nuage et l’arrière-plan.
Pour résumer, voici ce qui permet de rendre le nuage visible : le gaz doit absorber un rayonnement infrarouge dans la bande d'ondes visible de la caméra, le nuage de gaz doit présenter un contraste de rayonnement par rapport à l'arrière-plan, et la température apparente du nuage doit être différente de celle de l'arrière-plan. Le mouvement rend en outre le nuage plus visible
Comprendre les longueurs d'onde associées à l'imagerie optique des gaz
Pour bien saisir la différence entre « refroidi » et « non refroidi » en matière de caméra d'imagerie optique des gaz, il faut comprendre les longueurs d'onde qui sont liées à ce type d'imagerie et les détecteurs utilisés dans ces caméras. Les deux principales longueurs d'onde des caméras OGI sont couramment appelées ondes moyennes (de 3 à 5 micromètres ou μm) et ondes longues (de 7 à 12 μm). Dans le domaine de l'imagerie des gaz, on les appelle aussi respectivement « région fonctionnelle » et « région d'empreinte ». Dans la région fonctionnelle, une même caméra peut voir plusieurs gaz d'une même catégorie, tandis que de nombreux gaz possèdent des caractéristiques d'absorption uniques et spécifiques dans la région d'empreinte. Par exemple, tous les hydrocarbures ou presque absorbent de l'énergie dans la région filtrée de la GF320 (en jaune sur la figure) mais ils ont des caractéristiques d'absorption différentes dans la région des ondes longues ou d'empreinte (en bleu) (voir figure 3).
Figure 3
Si de nombreux gaz présentent des caractéristiques d'absorption à la fois dans les ondes moyennes et dans les ondes longues, il existe des gaz qui n'émettent que dans une seule bande infrarouge. Certains gaz émettent dans le spectre des ondes moyennes et pas dans celui des ondes longues (le monoxyde de carbone ou CO en particulier) et d'autres émettent uniquement dans le spectre des ondes longues (comme l'hexafluorure de soufre ou SF6). Ces gaz ne se manifestent pas dans la région d'empreinte ou la région fonctionnelle qui trahit généralement les hydrocarbures. Ci-dessous, les graphiques des spectres IR du CO et du SF6.
Figure 4
Figure 5
Détecteurs infrarouges refroidis ou non refroidis
Les caméras OGI refroidies utilisent des détecteurs quantiques qui doivent être refroidis à des températures cryogéniques (environ 77 °K, soit -321 °C) et peuvent s'appliquer aux ondes moyennes ou aux ondes longues. Les caméras à ondes moyennes qui détectent les hydrocarbures dans la région fonctionnelle, comme le méthane, fonctionnent généralement sur la plage de 3 à 5 µm et utilisent un détecteur à antimoniure d’indium (InSb). Les caméras refroidies à ondes longues qui détectent les gaz comme le SF6 fonctionnent plutôt sur la plage de 8 à 12 µm et peuvent utiliser un photodétecteur infrarouge à puits quantique (QWIP).
Une caméra OGI refroidie moderne dispose d'un capteur d'imagerie intégré à un cryoréfrigérateur, lequel réduit la température du capteur à un niveau cryogénique. Cet abaissement de la température du capteur est nécessaire pour réduire le bruit à un niveau inférieur à celui du signal de la scène filmée. Les cryoréfrigérateurs comprennent des pièces mobiles dont les tolérances mécaniques font qu'elles s'usent au fil du temps. De même, l'hélium qu'ils renferment finit à la longue par s'échapper des joints d'étanchéité. Finalement, une remise en état du cryoréfrigérateur est nécessaire au bout de 10 000 à 13 000 heures de fonctionnement.
Sur les caméras équipées d'un détecteur refroidi, un filtre est monté sur le détecteur. Cet accessoire permet d'éviter tout échange de rayonnement intempestif entre le filtre et le détecteur, ce qui résulte en une meilleure sensibilité d'image. Cette augmentation de la sensibilité peut permettre à l'imageur de mettre plus efficacement les gaz en évidence et permet à la caméra OGI de satisfaire des normes réglementaires comme OOOOa de l'Agence de protection de l'environnement et autres obligations de conformité.
Figure 6 : Images d'une empreinte de main sur un mur, prise à l'aide d'une caméra thermique refroidie, puis prise à nouveau 2 minutes plus tard
Figure 7 : Images d'une empreinte de main sur un mur, prise à l'aide d'une caméra thermique non refroidie, puis prise à nouveau 2 minutes plus tard.
Les caméras OGI non refroidies emploient un détecteur à microbolomètre qui ne nécessite pas les accessoires requis par le refroidissement. Ce type de détecteur est souvent fabriqué en oxyde de vanadium (VOx) ou en silicone amorphe (a-Si), et il réagit dans la plage de 7 à 14 μm. Ces caméras sont bien plus faciles à fabriquer que les caméras refroidies mais elles n'ont pas leur sensibilité ou Différence de température équivalente de bruit (NETD), si bien qu'il est plus difficile de visualiser les fuites plus modestes. La NETD est un facteur de mérite qui représente la plus petite différence de température détectable par une caméra. La figure 6 illustre les effets de la sensibilité des détecteurs refroidis et non refroidis. Une meilleure NETD permet à une caméra OGI refroidie de détecter les gaz au moins cinq fois mieux que les caméras non refroidies. Une autre norme similaire est utilisée pour déterminer dans quelle mesure une caméra OGI peut détecter les gaz : c'est la longueur de concentration équivalente de bruit (NECL), qui détermine quelle quantité de gaz peut être détectée sur une longueur de tracé donnée. Par exemple, la NECL d'une caméra OGI refroidie FLIR GF320 (détecteur de 3 à 5 μm pour la détection du méthane est inférieure à 20 ppm*m, tandis que celle d'une solution non refroidie (détecteur de 7 à 14 μm) dépasse 100 ppm*m.
Dans le cas des caméras OGI non refroidies, il faut également penser au filtre. Certaines caméras ne sont pas filtrées dans le spectre des ondes longues, ce qui signifie qu'elles sont simplement un large détecteur ouvert utilisant des analyses uniques pour mettre un gaz en évidence. Le mode haute sensibilité (HSM) breveté de FLIR utilise un logiciel et des capacités d'analyse pour améliorer la visualisation des gaz. Certaines caméras sont dotées de filtres plus ciblés intégrés au système de l'appareil. Ces filtres peuvent être associés à l'objectif, placés entre la caméra et l'objectif, ou intégrés de plusieurs manières.
Avec le filtrage non refroidi, vous perdez en sensibilité thermique parce que le rayonnement qui atteint le détecteur de la caméra est limité. La NETD obtenue est supérieure mais pourrait produire une meilleure image des gaz. Comme la largeur du filtre spectral est réduite pour se concentrer sur des gaz spécifiques, le rayonnement de la scène diminue tandis que le bruit du détecteur reste le même et que le rayonnement réfléchi par le filtre augmente. L'image ainsi produite est de qualité bien supérieure sur le plan de l'imagerie des gaz, mais la sensibilité thermique de la caméra en termes de mesure de la température (radiométrie) est réduite. Avec un filtre froid, comme dans une caméra OGI refroidie, on évite ce phénomène, car le rayonnement issu des reflets est en très faible quantité.
Comment choisir une caméra OGI refroidie ou non refroidie
Pour choisir la caméra adaptée à vos besoins, la première chose à faire est de vérifier que la caméra en question peut mettre vos gaz en évidence. Une fois cela fait, la décision n'est pas toujours simple et le prix ne peut être le seul facteur.
Bien que son coût soit plus élevé, une caméra OGI refroidie offre des avantages considérables. Comme indiqué plus haut, ces appareils détectent la région fonctionnelle des hydrocarbures, si bien qu'une même caméra suffit à mettre en évidence un large éventail de gaz. Dans certains cas, il faudrait s'équiper de plusieurs caméras dans la région d'empreinte pour obtenir les mêmes résultats. Un autre avantage unique des caméras à ondes moyennes réside dans l'absence d'interférence avec les vapeurs d'eau. Comme on le voit à la figure 7, la vapeur d'eau présente une forte absorption dans la région des ondes longues ou région d'empreinte, ce qui peut être source d'incertitude dans la lecture de l'image de la caméra.
La sensibilité et la qualité d'image sont des facteurs importants à prendre en compte lors du choix d'une caméra OGI. Elles n'affectent pas seulement la capacité à visualiser les petites fuites, elles ont aussi beaucoup de poids quand il s'agit de satisfaire les normes réglementaires.
La question des caractéristiques donne encore l'avantage aux caméras OGI refroidies. Les seules caméras OGI portables du marché à être certifiées pour les lieux dangereux sont des caméras à détecteur refroidi. Si vous souhaitez ou devez pouvoir quantifier vos fuites de gaz, ce n'est possible qu'avec une caméra OGI dans le spectre des ondes moyennes, comme la GF320, et le logiciel propriétaire de la solution QL320 de Providence Photonics.
Les caméras OGI non refroidies sont arrivées sur le marché, et cette technologie offre plusieurs avantages. Avant toute chose, le coût de fabrication d'une caméra non refroidie est considérablement plus bas, si bien que son prix est également inférieur. Son entretien coûte également moins cher, du fait de sa conception simple sans refroidissement, ce qui les rend potentiellement bien adaptées à un fonctionnement en continu, 24h/24, 7j/7.
Que vous cherchiez à économiser de l'argent, à satisfaire des normes réglementaires, à renforcer la sécurité de vos employés ou simplement à faire preuve de responsabilité environnementale, le choix est plus large que jamais, au point où la confusion est possible. Au-delà du prix, de nombreux facteurs doivent être soupesés pour bien choisir une caméra OGI. FLIR propose la plus large gamme de caméras OGI sur le marché et peut vous accompagner dans le processus de sélection.